par Frans Leens
Quand l'URSS a été à bout de souffle dans les années 1980, l'élite dirigeante, après avoir choisi des hommes vieux et malades a choisi Mikhaïl Gorbatchev pour essayer de sauver le pays. Il a arrêté la guerre d'Afghanistan et entrepris des réformes importantes. Cependant, 6 ans après son accession au pouvoir et malgré ses efforts, l'URSS s'est disloquée en 1991.
Les USA sont aujourd'hui dans une situation extrêmement difficile : les guerres entreprises en Irak, à la recherche d'armes qui n'existaient pas et en Afghanistan se sont soldées par des échecs et même une débandade dans ce dernier cas. Ils ont eu également droit à un président Biden, vieux et malade. Le pays perd rapidement sa puissance économique et militaire. Les USA sont au bord de la guerre civile tellement les antagonismes dans les pays sont profonds et semblent inconciliables. Le président Trump veut rendre sa grandeur au pays et tente des réformes radicales.
Les USA sont peut-être occupés à prendre le même chemin que l'URSS. II peut être intéressant de comparer les 2 trajectoires de ces 2 pays pour voir si les USA ont quelques atouts pour ne pas subir le même sort que l'URSS.
URSS en décomposition depuis les années 70
Jusque dans les années 60, et malgré son système répressif étendu aux pays dit satellites, l'URSS a été malgré tout une référence dans les pays occidentaux, confirmée par les puissants partis communistes, comme en Italie ou en France. Après les purges staliniennes et surtout la guerre 1941-1945 ou plus de 12% de la population a été tuée, le pays s'est rapidement redressé comme le montre les succès dans la conquête spatiale. Ces succès cachaient cependant des dysfonctionnements révélés par des conditions de vie rudimentaires au niveau du logement ou de la faible disponibilité des biens de consommation par exemple. Emmanuel Todd, dans son essai publié en 1976, a prédit la décomposition du système soviétique à la lumière des dysfonctionnements du système productif, social et politique, et de l'augmentation de la mortalité infantile tout à fait anormale dans un pays développé. C'est avec ce système soviétique dysfonctionnel que le pays a été entraîné dans la guerre en Afghanistan en 1979 et dans une course aux armements dans les années 80. Les dirigeants de l'URSS qui ont suivi Brejnev mort en 1982, Andropov et Tchernenko, tous les 2 décédés rapidement, n'ont entrepris aucun changement susceptible de redresser le cours des choses.
Gorbatchev ou la tentative de réformer le système soviétique
Gorbatchev a pris le pouvoir en 1985. Il a rapidement tenté de moderniser les structures du système soviétique. Parmi les mesures prises, l'histoire retient la «glasnost» traduite par transparence concrétisée par plus de liberté d'expression et «Perestroïka» qui veut dire reconstruction. Il a arrêté l'intervention en Afghanistan en retirant les troupes soviétiques en 1989.
Fin de l'URSS par la dissolution de l'Union et l'indépendance de ses parties
Les réformes qu'il entreprend ne donnent pas les résultats escomptés. Gorbatchev fait face à un coup d'État en août 1991 puis à la prise d'indépendance de certaines républiques de l'Union (Russie, Biélorussie et Ukraine). Il en tire les conclusions et démissionne le 25 décembre de la même année, ce qui met fin à l'existence de l'URSS. Les 15 républiques de l'ancienne URSS deviennent des États indépendants et abandonnent le fonctionnement soviétique de l'économie et de la société de manière fort diverse. Ce changement se fait sans effusion de sang, mais plonge ces nouveaux pays dans un monde auquel ils ne sont pas préparés : le passage d'une économie de type soviétique à l'économie de marché est un bouleversement violent avec une désorganisation qui a fait basculer une part importante de la population dans la pauvreté. Le taux de pauvreté passe de 2% à 23,8%. Entre 1990 et 2000 en Russie, l'espérance de vie a baissé de 5 ans pour les hommes et de 2 ans pour les femmes. La natalité s'est également effondrée pendant la même période (1). Ce n'est qu'à partir de l'accession au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 que la Russie a pu retrouver progressivement une nouvelle prospérité.
Pour les autres nouveaux pays issus de l'URSS, les 3 pays baltes, Lettonie, Lituanie et Estonie, ont rejoint l'Union européenne. Les autres pays, dont le territoire appartenait anciennement à l'empire russe ont connu un développement très divers et parfois encore très chaotique comme l'Arménie avec des territoires disputés à l'Azerbaïdjan, la Géorgie avec l'Ossétie du Sud qui a pris son indépendante et bien sûr l'Ukraine avec une guerre civile depuis 2014 dans laquelle la Russie est intervenue en 2022.
La chute de l'URSS n'a pas été sans effet sur les USA
Même si certains aux USA pensaient à une victoire définitive du modèle libéral comme Francis Fukuyama (2), l'Amérique devenait, déjà depuis les années 70, de plus en plus dépendante du reste du monde - obligé de commercer en dollar US - pour combler ses déficits commercial et budgétaire.
Tentative de maintenir la puissance US par les guerres militaires et maintenant commerciales
D'une part, dans les années 90, les USA se sont attaqués à la Yougoslavie, dernier pays communiste d'Europe. Les USA et l'OTAN ont mené une guerre souterraine et ensuite ouverte qui a culminé en Serbie par d'importants bombardements en 1999. Cela a abouti à la dislocation du pays avec des nouveaux pays rejoignant l'OTAN et l'Union européenne. Slovénie, Croatie, Monténégro et la Macédoine Nord. Le Kosovo s'est vu arracher à la Serbie, mais son indépendance n'est pas reconnue internationalement.
Les événements du 11 septembre 2001 ont servi de prétexte à des aventures militaires américaines en Irak, en Afghanistan et dans une moindre mesure en Syrie. Ces interventions très coûteuses financièrement et en vies humaines s'avèrent des échecs pour les USA.
La tentative de faire basculer l'Ukraine dans le camp occidental depuis la révolution orange en 2004, l'événement du Maïdan en 2013-2014 et le soutien à la guerre civile a abouti à l'intervention russe en 2022 et prend pour le moment le chemin d'un nouvel échec des USA.
D'autre part, avec la mondialisation des échanges commerciaux et la délocalisation de la production de biens, les USA se sont massivement désindustrialisés. Alors qu'au cours du XXe siècle, le monde dépendait des USA, c'est maintenant les USA qui sont dépendants des importations de biens et surtout d'argent pour faire face aux déficits commercial et budgétaire.
Comme de plus en plus de pays se passent de la monnaie américaine pour commercer dans leur propre devise et que la demande de dollars qui permettent de financer les USA diminue, le président Trump tente de réindustrialiser le pays. C'est principalement, avec des droits de douane qu'il veut forcer les industriels à rapatrier la production aux USA. Cette politique est menée de manière très chaotique.
L'ère des reculs économiques, militaires, diplomatiques et sociétaux
Les USA restent une grande puissance avec des atouts importants. Mais dans tous les domaines, ils s'affaiblissent.
Dans l'économie, la désindustrialisation a été évoquée et est aussi marquée par un manque de personnel qualifié américain, ce qui a obligé le pays à faire venir de nombreux ingénieurs de Chine, d'Inde et d'ailleurs. Cette pénurie de compétence risque de devenir un nouvel obstacle à la politique de réindustrialisation entreprise par l'administration actuelle.
Au niveau militaire l'armée américaine est soit battue comme en Afghanistan et comme cela en prend le chemin en Ukraine, soit elle crée un chaos comme c'est toujours le cas en Lybie depuis 14 ans. Israël ne pouvant rien faire sans les USA, la guerre de 12 jours contre l'Iran qui avait pour but de renverser le gouvernement iranien n'a été arrêtée que par l'ampleur des destructions en Israël que les Américains ne pouvaient pas protéger. L'armée américaine a elle-même un problème de manque personnel puisqu'elle est obligée, d'abaisser le niveau physique et/ou intellectuel requis, sans parler de recrutement d'étrangers avec la promesse d'obtenir la nationalité américaine en fin d'incorporation (3). Au niveau de l'armement, il y a des difficultés de développement avec, par exemple, les missiles hypersoniques qu'ils n'arrivent toujours pas à créer, au contraire des Chinois, des Russes et d'autres pays.
Au niveau sociétal, la culture américaine elle-même est de plus en plus clivée entre ceux qui se disent progressistes et les conservateurs. Les progressistes représentés essentiellement par le parti démocrate remettent en cause la culture traditionnelle des USA et l'histoire américaine elle-même : destruction de monuments, débats sur l'identité sexuelle jusqu'à un hyper individualisme. Les conservateurs de leur côté raidissent leur position, par exemple, au niveau du droit à l'avortement. 2 Amériques sont aujourd'hui face à face.
La mortalité en hausse en URSS avait été un marqueur important pour Emmanuel Todd en 1976 du dysfonctionnement de la société soviétique. Les USA sont dans la même situation depuis 2023.
Trump va-t-il sauver les USA ?
Tout comme l'URSS avec sa nomenklatura et derrière sa façade démocratique, les États-Unis sont dirigés par une oligarchie : la finance, le complexe militaro-industriel, Big pharma. Y subsiste des contre-pouvoirs, absents en URSS, qui ont permis l'émergence de Donald Trump qui semble ne pas appartenir à cette oligarchie.
Le président Trump doit donc faire face à d'immenses défis pour résoudre les problèmes du pays. La non-résolution rapide de la guerre en Ukraine promise lors de sa campagne électorale est déjà un premier signe que d'un projet à sa réalisation le chemin peut être très difficile. Sa démarche très volontariste apparaît chaotique. La gestion des droits de douane qu'il veut relever pour de nombreux pays depuis mars 2025 en est un signe évident.
Comme pour Gorbatchev, Trump fait aussi face à de puissantes forces internes, l'«État profond», qui rendent sa tâche très difficile. En dehors de l'économie et de la politique étrangère, le principal défi pour relever son pays est sa culture disloquée entre progressistes et conservateurs sans parler des nombreux immigrants mexicains qui ont revendiqué un retour de la Californie au Mexique lors des dernières manifestations violentes de Los Angeles.
Là où la Russie était dans les années 1990 forte d'une culture commune - partagée par une grande majorité- qui unissait la société avec un système éducatif qui était resté de qualité, Les USA ont une culture éclatée où le dialogue entre les différents groupes est devenu très difficile et parfois impossible.
Il est donc nécessaire de suivre l'évolution des USA qui garde, pour le moment, une grande influence sur le monde occidental, mais une influence déclinante sur le reste du monde.